L’ancienne sénatrice centriste a été nommée samedi ministre du Logement et de la Rénovation urbaine. Des sujets qu’elle connaît bien. Son expérience du terrain sera un atout dans un contexte de crise majeure du logement. Sa nomination est d'ailleurs saluée par tous les acteurs du secteur. Dans son discours de passation ce lundi après-midi, Valérie Létard a affirmé vouloir s’engager sur trois volets. On fait les présentations avec cette élue discrète et engagée.
Valérie Létard hérite du Logement et de la Rénovation urbaine
Sa retraite politique aura été de courte durée. En septembre 2023, Valérie Létard, sénatrice du Nord, quittait la Chambre haute après y avoir siégé pendant près de vingt ans - de 2001 à 2007, puis de 2010 à 2023. Mais les législatives anticipées au début de l’été et la mainmise du Rassemblement national dans un Valenciennois cher à son cœur l’ont rapidement poussée à revenir sur le devant de la scène politique.
Élue députée de la 21e circonscription du Nord en juillet dernier grâce au désistement du candidat LFI, Létard est de retour à l’Élysée moins de trois mois plus tard. L’ancienne secrétaire d’État UDI du gouvernement Fillon - chargée de la Solidarité puis des Technologies vertes entre 2007 et 2010 - est une troisième fois propulsée au gouvernement. La nouvelle ministre de l’ère Barnier hérite cette fois d’un portefeuille regroupant le Logement et la Rénovation urbaine. Exit donc le secrétariat d’État à la politique de la Ville.
Sollicitée en 2017 par le président Emmanuel Macron fraîchement élu, Létard refuse alors d'entrer dans le premier gouvernement d’Edouard Philippe, à l'unisson des membres de l'UDI, dont elle est l'une des fondatrices. Elle signe donc ici un revirement inattendu.
Je remercie Michel Barnier pour sa confiance. Il pourra compter sur ma pleine mobilisation pour porter et co-construire avec les acteurs du logement des solutions concrètes pour répondre à l’urgence et dresser des pistes pour l’avenir. Le logement est un enjeu majeur et prioritaire.
Enjeux sociaux, environnementaux et économiques
Centriste solidement implantée dans le Nord, fidèle de Jean-Louis Borloo, Valérie Létard succède à Guillaume Kasbarian à la tête de ce portefeuille souvent qualifié de “bombe sociale à retardement”. Lors de son discours de passation ce lundi après-midi, la nouvelle ministre du Logement a déclaré vouloir s'engager sur trois volets. Elle a d'abord cité les enjeux sociaux et "toutes les questions liées au pouvoir d'achat des ménages" et au logement, qui est le premier poste de dépenses des Français. S'ajoutent les enjeux environnementaux, avec la rénovation énergétique, et les enjeux économiques, compte tenu de la crise actuelle. Pour Valérie Létard, "il faut préserver la filière logement pour 2025 et il faut imaginer la suite".
Le bail de Guillaume Kasbarian au Logement aura été vite expédié : de février à septembre 2024. Un passage éclair dans un climat tendu.
Une nouvelle ministre du Logement attendue de pied ferme
Pas le temps de tergiverser car la Nordiste est attendue au tournant par les acteurs du secteur, qui ont vu défiler six ministres en sept ans. Et le chantier s’annonce colossal. L’immobilier traverse une crise d’ampleur depuis plusieurs années, avec la chute de la construction, la flambée des taux d’intérêt entre 2022 et 2024, la forte hausse des prix de l’immobilier au cours des dix dernières années, la pénurie de location, des loyers au plus haut, des files d’attente record pour accéder aux logements sociaux, le casse-tête Airbnb…
Face à cela, la situation alarmante des finances publiques laisse présager d’un budget particulièrement serré pour cette élue dont on connaît bien la fibre sociale. “Je suis libérale parce que nous vivons dans un monde libéral, mais je suis aussi profondément sociale parce que, pour moi, sans solidarité, nous ne sommes pas un pays moderne. Un pays moderne, c’est un pays qui ne laisse personne au bord de la route (...) Partout où je suis passée, j’ai toujours été sensible au fait que sans économie, il n’y a pas de solidarité”, confiait-elle à Public Sénat il y a tout juste un an, avant de quitter, émue, le Palais du Luxembourg.
"La bonne personne, au bon endroit"
Dans les couloirs du Sénat, ses anciens collègues ne manquent pas de superlatifs pour qualifier l’ampleur de la tâche qui attend la nouvelle ministre du Logement. Mais pour beaucoup, Létard est “la bonne personne, au bon endroit”. “Ceux qui connaissent Valérie savent qu’elle y va avec tout son engagement, pour faire œuvre utile avant tout. Elle le fait parce qu’il y a aussi une crise du logement et qu’elle a cette expérience reconnue”, réagit Salvatore Castiglione, maire de Wallers (Nord) et suppléant de Valérie Létard aux dernières législatives.
Un avis partagé par les professionnels de l’immobilier et du BTP, qui accueillent positivement la nomination de la nouvelle ministre. “Valérie Létard connaît bien le secteur du logement, notamment social, localement et nationalement au travers des nombreux travaux auxquels elle a participé au Sénat”, souligne la Fédération des offices publics de l’habitat (FOPH), qui voit dans son arrivée “un signal positif en ces temps de crise du logement.”
De son côté, la Confédération nationale du logement (CNL) dit attendre des “gestes forts” en direction du monde HLM et estime que la nomination de Valérie Létard “pourrait augurer d’une reprise du dialogue avec les associations de locataires et les acteurs du logement social”. “Sa première épreuve, ce sera le congrès des HLM” qui se tiendra de mardi à jeudi à Montpellier, prévient d’ailleurs Hervé Marseille, chef de file des sénateurs centristes. Congrès auquel elle a déjà confirmé sa présence. Valérie Létard devra notamment décider de poursuivre – ou non – la révision de la loi solidarité et renouvellement urbain (loi SRU) engagée par son prédécesseur Guillaume Kasbarian et imposant aux communes un minimum de logements sociaux.
"Une experte du logement et de la rénovation"
La Fédération française du bâtiment salue quant à elle l’arrivée d’une élue “mobilisée depuis longtemps” sur les sujets du logement et de la rénovation urbaine “et engagée au service des territoires”. Au début des années 2000, Valérie Létard avait fait de Valenciennes le laboratoire de la politique de rénovation urbaine, notamment à travers le programme ANRU. Plus tard, en tant que sénatrice, elle s’était par exemple impliquée sur le dossier du Zéro artificialisation nette (ZAN).
Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), a également pris la parole pour louer “une experte reconnue des sujets du logement et de la rénovation urbaine, mais aussi une élue de terrain qui sait l’importance du logement social pour améliorer la vie de nos concitoyens modestes.”
Franche, sympathique... Valérie Létard fait l'unanimité
Du haut de son mètre 80, Valérie Létard ne passe pas inaperçue. “Physiquement, elle en impose”, abonde-t-on dans son entourage. Athlétique, cette ancienne basketteuse fait peu parler d’elle. Discrète mais impliquée, elle semble appréciée des élus de tous bords. Simple. Franche. Sympathique. Passionnée. Voilà ce qu’on retient d’une rencontre avec la nouvelle ministre du Logement, qui fêtera ses 62 ans dans quelques semaines.
Fille de Francis Decourrière, ancien député européen UDF et ex-président emblématique du club de football de Valenciennes, la Nordiste a toujours baigné dans la politique. Poussée et façonnée par son père, disent les uns. Appelée à écrire sa propre histoire, se défend-t-elle. “J’ai voulu m’engager en politique quand j’ai compris les limites de mon action dans l'administration.” Mais son père n’est jamais loin. “On s'appelle cinq fois par jour”, reconnaît-il, avant d’ajouter : "Tout le monde a des conseillers, tant mieux si ça peut être le père.”
"Aider les gens, c'est vraiment son truc"
Au Sénat ou à l’Élysée, Valérie Létard détonne. Elle n’est pas une techno formée dans les grands corps de l’État, mais une assistante sociale spécialisée dans l’action sociale dans les quartiers. Un métier qui l’a passionnée “Elle ne vit que pour aider les gens, c’est vraiment son truc”, dit un proche centriste. Repérée par Jean-Louis Borloo, alors maire de Valenciennes, elle devient son adjointe chargée de la politique de la ville dans les années 90. Avant d'entamer à ses côtés un long compagnonnage politique.
En 2007, alors secrétaire d’État chargée de la Solidarité dans le gouvernement Fillon, elle travaille d’arrache-pied à un plan solidarité grand âge, à la scolarisation des enfants handicapés ou encore à un plan autisme. Elle s’implique aussi pleinement dans la lutte contre les violences faites aux femmes. En 2022 au Sénat, Valérie Létard propose de créer une aide universelle d’urgence. Depuis le 1er décembre 2023, cette aide financière permet aux victimes de violences conjugales de quitter le foyer familial pour se mettre à l’abri...
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