Le viager n’est plus tabou. La preuve : des ventes multipliées par deux depuis la crise sanitaire. Pour améliorer sa retraite, financer son maintien à domicile ou aider ses enfants, la vente en viager marque un retour en grâce. Rencontre avec ceux qui se sont laissés tenter par cette transaction pas tout à fait comme les autres.
Acheter un logement à prix cassé : la promesse du viager
Un T1 bis de 47 m2 au cœur d’une banlieue résidentielle de Nice pour 135 000 euros ? Non, non, vous ne rêvez pas. C’est à ce prix que Grégory et Sarah ont acquis leur pied-à-terre niçois en mai dernier, soit une fois et demi moins cher que ce qui se vend traditionnellement dans le quartier. Leur secret ? Nos quadras ont acheté en viager, en payant le bouquet au comptant. Bien sûr, ils ne profiteront de leur bien qu’au départ définitif de l’ancienne propriétaire : une veuve de 70 ans qui a vu là le moyen de profiter d’une rondelette somme d’argent immédiatement disponible. Et qui continuera d’occuper à titre gratuit l’appartement dans lequel elle a déjà passé plus de la moitié de sa vie. C’est le principe même du viager.
Des ventes en viager multipliées par deux en trois ans
Longtemps boudé, presque tabou, ce type de transaction revient sur le devant de la scène depuis le début de la crise sanitaire. Et le contexte économique actuel amplifie encore le phénomène. “En période de crise, c’est également la crise pour les personnes du troisième âge. En ce moment, elles recherchent donc elles aussi le moyen d’améliorer leur pouvoir d’achat sans avoir à demander d’aide à leurs proches. Elles ont besoin de trésorerie et le viager leur permet de percevoir une rente mensuelle”, souligne Vincent Brygo, expert-viagériste dans les Hauts-de-France pour le réseau Viagimmo. C’est un fait : beaucoup de parents doivent aujourd'hui hériter d'eux-mêmes pour maintenir leur niveau de vie et le viager leur apparaît comme une solution rapide et facile. “Depuis la crise du Covid, aussi, les personnes âgées veulent rester chez elles. Avec le viager, elles peuvent le faire à moindre coût. Et grâce à la rente mensuelle qu’elles perçoivent, s’offrir les services d’une aide à domicile.” En trois ans, Vincent Brygo a multiplié par trois son chiffre d’affaires et ouvert une deuxième agence dans les Hauts-de-France. “En 2019, le viager représentait 2% des ventes au niveau national. Aujourd’hui, on est autour de 4,5%”, calcule-t-il. Et la tendance n’est pas près de s’inverser. Le nombre de retraités de 75 ans et plus va en effet augmenter de 50% d’ici dix ans. Les observateurs estiment ainsi que les ventes en viager représenteront rapidement 8% du marché immobilier français.
Viager : des offres plus nombreuses et des acheteurs plus exigeants
Les offres en viager étant toujours plus nombreuses, les acheteurs se montrent aussi plus exigeants et négocient davantage. C’est le constat que dresse encore l’expert de Viagimmo. “Les acquéreurs ne veulent pas réaliser de gros travaux. Ils recherchent une déco assez moderne et sont surtout très regardants vis-à-vis du DPE (diagnostic de performance énergétique). Aujourd’hui, on a énormément de mal à vendre des biens classés E, F ou G.”
C’est l’âge moyen des crédirentiers.
Si l’ancienne propriétaire de l’appartement niçois n’a pas de descendants directs, ce n’est pas le cas de la majorité des crédirentiers (les vendeurs en viager). Selon le baromètre Renée Costes Viager, 68% des vendeurs ont des enfants. Et ces derniers seraient d’ailleurs bien souvent à l'initiative du projet de viager. Dans 21% des dossiers suivis par l’agence, l’objectif des vendeurs est d'anticiper leur succession en effectuant des donations immédiates à leurs proches pour les aider à réaliser leurs projets à court terme. De manière plus anecdotique, certains vendeurs choisissent le viager pour ne pas léguer leur patrimoine à l’État en cas d’absence d’héritier.
Le viager pour se constituer un patrimoine à moindre coût
Pour Sarah et Grégory, l’achat en viager est une grande première. Les Niçois cherchaient à réaliser un investissement immobilier et ont étudié toutes les solutions qui s’offraient à eux. “Très honnêtement, le viager ne s’est pas tout de suite imposé. On a longtemps hésité, on avait peur de ne pas être très à l’aise avec le concept, témoigne le couple. Mais quand on a vu à quel prix on pouvait acheter à Nice, on s’est dit que c’était la meilleure solution pour nous. Notre rencontre avec la propriétaire de l’appartement a fini de nous convaincre tant elle était sûre de son choix. La situation était hyper saine pour tout le monde et ça nous a rassurés.” À l’instar de Sarah et Grégory, la principale motivation des acheteurs en viager est de se constituer un patrimoine à moindre coût. « Une très bonne opération consiste à acheter un bien à 50% ou 60 % de sa valeur vénale, estime Vincent Brygo, l’expert de Viagimmo. Une bonne opération, c’est 75 % de la valeur. » Un argument qui penche forcément en faveur du viager.
Le saviez-vous ?
Il est très compliqué, presque impossible, de contracter un crédit immobilier pour financer un achat en viager. Les acquéreurs doivent donc disposer d’un apport assez conséquent pour s’acquitter du viager bouquet.
Viager : un contrat gagnant-gagnant ?
Comme pour n’importe quelle transaction immobilière, tout commence par l’estimation du logement. Une fois la valeur vénale connue, on lui applique une décote liée à l’occupation du bien. En toute logique, plus le crédirentier est jeune, plus la décote est importante. Et inversement. Comptez environ 30 % de décote pour un crédirentier de plus de 80 ans et plus de 50 % pour un propriétaire de 60 ans. L’espérance de vie, elle, est calculée selon le sexe de l’occupant - une femme vivant en général plus longtemps qu’un homme - ou selon qu’il s’agisse d’un couple ou d’une personne seule. Le vendeur fixe ensuite lui-même le montant du viager bouquet (la somme qu’il percevra dès la vente conclue). Celui-ci varie de 0 à 100% du prix total. Le solde du prix de vente restant est ensuite converti en rente viagère mensuelle. À Nice, la crédirentière, elle, a décidé de percevoir l’intégralité du bouquet en une seule fois. Pour Grégory et Sarah, pas de surprise donc : ils savaient dès le départ ce que leur coûterait leur appartement. “On a la certitude d’avoir signé un contrat gagnant-gagnant”, résume le couple, qui se dit déjà prêt à réitérer ce genre d’investissement. Et vous, qu'en pensez-vous ?
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