Immobilier : une crise mondiale ?

Christelle Privat
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La crise immobilière touche désormais de nombreux pays du monde. France, Allemagne, Royaume-Uni, Suède, États-Unis, Chine : les répercussions sont lourdes pour les ménages qui doivent également faire face à l’inflation. Décryptons le phénomène mondial et les spécificités locales…

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Immobilier : une crise mondiale
La France n'est pas le seul pays touché par la crise immobilière.
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En France, la machine immobilière se grippe

Vous le savez désormais, en France, le marché de l’immobilier est très, très tendu. On assiste à une superposition de signaux négatifs. Le marché du neuf, largement impacté ne participe plus au renouvellement du foncier. Les raisons sont multiples : hausse des prix des matériaux de construction, chute du nombre de permis de construire délivrés, réglementation environnementale RE2020 qui alourdit encore le coût de la construction...

Dans l’ancien, le volume de transactions baisse et les délais de vente se rallongent, car la demande est plus faible. La remontée des taux d’intérêt et la chute de l’octroi de crédit n’y sont pas étrangères. Les prix de l’immobilier commencent tout juste à se rectifier, mais pas suffisamment puisqu’un vendeur sur deux refuse encore de baisser le prix de son bien !

Enfin, le marché locatif déjà en souffrance plonge encore davantage car les acquéreurs en échec restent locataires, ce qui fait croître la demande de logements à louer. La population étudiante est très touchée par la pénurie de locations. Tout cela sur fond d’inflation qui continue de grignoter le pouvoir d’achat des Français et vient diminuer leur capacité d’emprunt.

C’est donc tout un secteur qui se retrouve en difficulté. À noter qu’il représente de 20 à 25 % du PIB français (secteur du bâtiment + activités tertiaires de l’immobilier). C’est considérable !

Quelques chiffres évocateurs :

  • -34 % de réservation d’appartements dans le neuf depuis janvier 2023 (chiffres FPI)
  • -83 % d’investissement dans l’immobilier résidentiel au premier trimestre 2023 par rapport à la même période en 2022
  • -20 % de volume de transactions entre 2022 et 2023
  • -18 % de biens à louer, depuis janvier 2022
  • -0,5 % de baisse des prix immobiliers en France, depuis janvier 2023
  • 4 % de taux d’emprunt en septembre 2023
  • 4,9 % d’inflation, en septembre 2023 (chiffres Insee).

En Europe, les signaux d’alarme se multiplient

La France n’est pas le seul pays à souffrir d’une crise du logement. En Allemagne, au Royaume-Uni et en Suède, la situation semble encore plus délicate.

Chez notre voisin allemand, les chiffres de l’immobilier ne sont pas réjouissants. Le pays enregistre depuis le deuxième trimestre 2023 la plus forte baisse des prix de l’immobilier : -9,9 %. Du jamais-vu depuis vingt ans ! Malgré tout, la demande de logement reste basse car les taux d’intérêt ont augmenté et les conditions d’octroi de crédit se sont aussi resserrées. Selon une étude de l’Institut Ernst Pestel, l’Allemagne aurait besoin de 700 000 appartements supplémentaires pour enrayer la crise. Au lieu de cela, le pays assiste à la faillite de nombreux promoteurs qui sont obligés d’arrêter les chantiers de construction de façon brutale.

Au Royaume-Uni, même refrain ! Les prix ont reculé de 5,3 % sur un an. C’est la baisse la plus importante depuis la crise des subprimes. Le nombre de nouveaux prêts immobiliers a reculé d’un tiers par rapport à 2022 et les retards de paiement s’accumulent (+29 % en un an). L’envolée des taux d’intérêt explique à nouveau le phénomène. « Désormais, un prêt immobilier à taux fixe pour deux ans se négocie à 6,7 % en moyenne, selon les calculs du site Moneyfacts. En 2021, c’était 2,4 % ». L’inflation à 7,9 % en juin 2023 pèse encore un peu sur les classes moyennes et sur les plus défavorisés qui ont de plus en plus de mal à s’en sortir.

En Suède, la crise immobilière s’est largement accélérée, car les banques ont beaucoup prêté aux Suédois, désormais très endettés. Frappé de plein fouet par l’inflation (9,3 % en juillet 2023) et par la hausse des taux, le pays doit faire face à une récession économique, selon les dires de la Commission européenne.

Aux Etats-Unis, les taux d’emprunt atteignent les 7 %

Outre-Atlantique, le gouvernement américain doit aussi faire face à une crise du logement. Là-bas, les taux d’emprunt augmentent considérablement, atteignant aujourd’hui plus de 7 %. Pourtant, les prix de l’immobilier ne baissent pas, car la situation montre une forte pénurie d’offre. Alors que les loyers continuent de flamber, les citoyens américains ont de plus en plus de difficultés à se loger. À Los Angeles, le loyer moyen a atteint 2 950 $ !

Tous les regards sont tournés vers la Chine

En Chine, le problème semble encore plus préoccupant. Récemment, le monde assistait ébahi au déclin de plusieurs mastodontes de l’immobilier. Evergrande, Country Garden et NHA sont au bord de la faillite avec plus de 300 milliards de dollars de dettes, pour le premier. Plusieurs chantiers de construction sont désormais à l’arrêt et des quartiers entiers se sont transformés en ville fantôme. Un million de petits propriétaires mécontents ont décidé de ne plus rembourser leur emprunt.

Plusieurs facteurs expliquent cette situation :

  • Le gel des transactions durant la crise du Covid.
  • Le durcissement des règles prudentielles par l’état chinois.
  • Le déclin de la population chinoise.
  • Le déclin de l’urbanisation dans le pays.
  • Le fort ralentissement économique puisque la croissance tourne autour de 3 % aujourd’hui, contre 10 % en 2010.
  • Un chômage des jeunes de plus de 20 %.

Dans le même temps, les magnats de l’immobilier ont trop investi et peinent aujourd’hui à rembourser leurs dettes. Mais il y a-t-il un risque de contagion mondiale, comme pour la crise de 2008 ? Pour l’heure, il semblerait que le risque soit contenu, car bien que la Chine soit un acteur financier important, la finance mondiale se joue bien au-delà de l’empire du milieu.

Sans parler de krach, la crise immobilière est bien là et de nombreux pays sont concernés. Les défis à relever dans le secteur du logement sont grands. Tant au niveau économique, social, qu’environnemental. Espérons que les gouvernements soient à la hauteur de ces enjeux. L’innovation et la créativité devront être au rendez-vous pour apporter des solutions nouvelles, car les vieux pots de confitures sont désormais bien usés !

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