Pénurie de locations : ces étudiants obligés de vivre au camping

Karin Scherhag
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Léo, Lucie et Abby ont un point commun : nos trois étudiants ont trouvé refuge au camping. En cette rentrée universitaire, ils sont plusieurs centaines d’étudiants “à la rue” partout en France. Parce que la pénurie de logements touche d’abord les locataires aux revenus les plus faibles. Notre enquête à Bidart, Montpellier et Grenoble.

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À Bidart, 150 étudiants vivent au camping
L'école d'ingénieurs de Bidart mène un partenariat avec le camping pour loger ses étudiants.
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150 étudiants logés au camping de Bidart

C’est entre un cours de robotique et sa pause déj’ que Léo accepte de nous répondre. Étudiant en école d'ingénieur informatique à Bidart (Pyrénées-Atlantiques), le jeune homme a tout de l’étudiant moderne : jeune, sportif, assidu et un rien fêtard. Classique, quoi. En réalité, pas tout à fait…

Car à l’heure où ses camarades d’amphi regagnent leur studio ou leur chambre étudiante, Léo prend la direction du camping où il loue un petit mobil-home moyennant 450 euros par mois. “Ce n’est pas idéal. Au début, j’avais même un peu honte de dire que je vivais au camping, admet-il. Mais je me suis rendu compte que je n’étais pas seul dans cette galère.” 

Comme lui, 150 futurs ingénieurs logent en effet ici, de septembre à juin, grâce à un partenariat entre leur école et le camping. Une initiative qui doit être menée dans d’autres grandes villes étudiantes, à l’instar de La Rochelle, pour tenter de combler la pénurie de locations. 

Selon un rapport remis au Sénat en 2021, il manquerait 250 000 logements étudiants pour répondre à la demande croissante en France. “On n’a jamais reçu autant de mails d’étudiants qui appellent à l’aide qu’en cette rentrée”, s’alarme Clara Limoge, vice-présidente de l’association Cop1-Solidarités étudiantes à Paris.

Les moins chanceux dorment dans des tentes ou dans leur voiture

Léo ne s’attarde pas sur les problèmes matériels : acheminement de courrier, attestation de logement, ou même encore facture de chauffage en hiver. Pour l’instant, il s’estime “mieux loti que les autres” : “Je sais que certains étudiants font des trajets quotidiens de près de deux heures parce qu’ils n’ont pas pu quitter le domicile familial. D’autres dorment carrément sous une tente ou dans leur voiture. Vous imaginez ? En France. En 2023. C’est du délire ! Alors en comparaison, mon mobil-home, c’est presque un palace”, plaisante-t-il. 

Lucie, elle, fait partie de ceux que Léo classe dans la catégorie des moins chanceux. Après avoir squatté le canapé d’une amie pendant quelques jours, elle occupe désormais une tente dans un camping près de Montpellier (Hérault). “Les premiers jours, t’as presque l’impression de prolonger tes vacances, raconte l’étudiante en STAPS. Mais cette sensation est de courte durée. Le camping s’est vidé, je dors sur un matelas gonflable depuis plus de trois semaines et je prie chaque jour pour qu’il ne pleuve pas trop”, lâche-t-elle, écœurée. 

Même sentiment chez la jeune Américaine Abby, au départ hyper enthousiaste à l’idée d’étudier un semestre en France. “Mon profil n’intéresse pas les propriétaires parce qu’ils savent que je vais rester moins d’un an.” Après avoir essuyé un nombre de refus qu’elle ne compte même plus, elle a également atterri au camping. À quelques kilomètres de Grenoble (Isère). L’étudiante en architecture songe clairement à abandonner son cursus pour rejoindre son Texas natal. 

Le saviez-vous ? 

Si vous connaissez des personnes privées d’hébergement, ou si vous êtes vous-même en difficulté, composez le 115. C’est le numéro du Samusocial. Il permet d’être accueilli gratuitement dans un centre d’hébergement d’urgence. 

Le gouvernement cherche des solutions d’urgence

Interrogée à son tour, la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retaillau assure travailler sur le problème avec le ministère du Logement pour trouver des solutions d’urgence (hôtel ou camping, notamment).  "Bien sûr que c'est anormal. Le problème de logement est mis en exergue chez les étudiants parce qu'ils ont des revenus plus faibles, ils ont des besoins plus spécifiques. Ils ont moins de choix intrinsèquement. Mais le problème de pénurie de logements est réel pour tout le monde. C’est un problème foncier.” 

Sylvie Retailleau précise par ailleurs que 12 000 logements Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) seront rénovés d’ici à 2027. “C'est planifié, c'est financé. C'est une enveloppe d'environ 300 000 euros.” Des projets de construction visant à augmenter le nombre de logements étudiants seraient aussi dans les tiroirs. Mais cette fois, la ministre ne précise pas le calendrier. 

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