Interdiction de location des passoires thermiques : un sursis possible ?

Blandine Rochelle
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L'interdiction de louer des passoires thermiques approche à grands pas, surtout pour les logements classés G, interdits de location dès janvier 2025. Cependant, une proposition de loi suggère un aménagement du calendrier initial, notamment pour les copropriétés et les baux en cours. Un rétropédalage qui cristallise les tensions.

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Les copropriétés devraient obtenir un sursis dans la mise en application de l'interdiction de louer des passoires thermiques, à condition qu'un plan prévisionnel de travaux ait été adopté par l'assemblée générale. © AndreyPopov - Getty images
Les copropriétés devraient obtenir un sursis dans la mise en application de l'interdiction de louer des passoires thermiques, à certaines conditions. © AndreyPopov - Getty Images
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Un calendrier initial ambitieux mais remis en question

Dans le cadre de la loi Climat et Résilience de 2021, les logements présentant une faible performance énergétique, appelés passoires thermiques, sont visés par une interdiction progressive de location.

  • Les logements classés G seront interdits à la location à partir du 1er janvier 2025.
  • Ils seront suivis par ceux classés F en 2028.
  • Ce sera au tour des logements classés E en 2034.

Ce calendrier, conçu pour pousser les propriétaires à rénover leurs biens, rencontre cependant des difficultés dans sa mise en œuvre.

Le Premier ministre a annoncé début octobre une simplification du diagnostic de performance énergétique (DPE) ainsi qu’une possible adaptation du calendrier. Cette nouvelle a surpris et a déplu à certains acteurs du secteur, comme Audrey Zermati, directrice stratégie de la société Effy spécialisée dans la rénovation énergétique, qui a déploré un « détricotage des politiques de rénovation » en France. Elle s'interroge sur la cohérence des messages envoyés aux propriétaires et déplore l'impact potentiel sur les ambitions climatiques du pays.

Un assouplissement pour les copropriétés en difficulté

La ministre du Logement, Valérie Létard, a précisé que les copropriétés pourraient bénéficier d'une certaine souplesse dans la mise en application du calendrier. La complexité et la durée des travaux nécessaires dans ces bâtiments collectifs représentent un obstacle majeur et un report pourrait permettre aux copropriétaires de mieux s’organiser. En effet, les décisions de travaux en copropriété nécessitent l'approbation d'assemblées générales, un processus long et contraignant.

Pour être éligibles à cette exemption temporaire, les copropriétés devront toutefois démontrer qu’elles ont voté un plan pluriannuel de travaux (PPT), un document structurant les rénovations sur dix ans. Cependant, cela ne signifiera pas pour autant un report de dix ans de l'interdiction, des limites devant être fixées dans un texte de loi élaboré avec les parlementaires. Ce texte pourrait donc permettre aux copropriétés d'éviter l'interdiction de location pour un temps limité, le temps que les travaux soient menés à bien.

L’objectif initial était d’atteindre les 900 000 logements rénovés d’ici 2030.

Un premier geste vers les propriétaires de petites surfaces

Une mesure favorable aux propriétaires de petites surfaces a déjà été adoptée en février 2024, permettant une réévaluation de leur DPE. Cette adaptation a permis à de nombreux logements de 40 m² ou moins d'obtenir une meilleure note, les autorisant ainsi à rester sur le marché locatif. Cette révision a bénéficié à environ 140 000 logements en France, permettant de retarder l’application de l'interdiction pour ces biens de taille modeste, bien souvent plus énergivores que les logements plus grands.

Toutefois, cet assouplissement ne satisfait pas tout le monde. Si certains acteurs, comme la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier), soutiennent ces réajustements, d'autres y voient un recul par rapport aux engagements de la France en matière de transition énergétique. En effet, les logements représentent le quatrième secteur le plus émetteur de CO dans le pays et chaque report éloigne l'objectif de rénovation des 900 000 logements d'ici 2030.

La proposition de loi pour une application partielle de l’interdiction

La proposition de loi de l’ancien député Guillaume Vuilletet, dont l’examen avait été interrompu avec la dissolution de l’Assemblée nationale, propose d'introduire une exception pour les baux en cours dans les logements classés G. Selon cette proposition de loi, les logements énergivores ne seraient pas soumis à l'interdiction de location à condition qu’aucun nouveau contrat de location ne soit signé. En d’autres termes, un bailleur ne pourrait pas être contraint de retirer son logement du marché locatif pour des raisons de DPE si un locataire y réside déjà mais serait dans l’impossibilité de le relouer après le départ du locataire actuel.

Pour les propriétaires bailleurs, cette disposition apparaît comme un compromis acceptable et pourrait permettre de préserver certains revenus locatifs tout en donnant le temps nécessaire à la réalisation des travaux. Cette mesure doit encore être rediscutée et pourrait rapidement être redéposée à l’Assemblée par d’autres parlementaires en raison de la proximité de l’échéance de janvier 2025.

Un contexte législatif incertain pour les propriétaires

Le discours du gouvernement sur les délais et les critères de l'interdiction de location des passoires thermiques continue de changer, suscitant la frustration de nombreux propriétaires et professionnels du secteur. Certains comme Sylvain Le Falher, conseiller en énergie et fondateur de la société Hello Watt, déplorent l’instabilité des réglementations qui décourage les propriétaires et ralentit les projets de rénovation. Les multiples modifications des aides et des normes perturbent les acteurs et augmentent les risques pour les bailleurs, notamment pour ceux ayant prévu des travaux à long terme.

Ainsi, le report du calendrier pour les passoires thermiques est un sujet qui cristallise les tensions, entre ceux qui plaident pour un assouplissement et ceux qui craignent un relâchement de l’ambition écologique. Alors que les copropriétés pourraient bénéficier d'une exemption temporaire sous conditions, les autres propriétaires restent pour l’heure dans l’incertitude quant aux prochaines annonces du gouvernement.

Si des travaux ont été votés par l’AG de la copropriété, l’interdiction de louer des logements classés G à partir du 1er janvier ne vaudra qu’en cas de changement de locataire.

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