Vente du logement : pourquoi il ne faut pas supprimer le mandat exclusif

vfrancjacob
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Les députés ont voté le 11 octobre une modification de la loi Hoguet qui encadre le métier d’agent immobilier. Ce sera bientôt au tour des sénateurs de se pencher sur le texte. Je souhaite réagir à une disposition qui résulte, selon moi, d’une analyse imparfaite de la nature des rapports entre les particuliers et les agents immobiliers. Il s’agit de la disposition par laquelle un propriétaire peut vendre un bien par ses propres moyens alors même qu’il aurait signé un mandat d’exclusivité avec un agent immobilier et éviter ainsi de verser sa commission à l’agent s’il trouvait un acquéreur en direct.
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Les députés ont voté le 11 octobre une modification de la loi Hoguet qui encadre le métier d’agent immobilier. Ce sera bientôt au tour des sénateurs de se pencher sur le texte. Je souhaite réagir à une disposition qui résulte, selon moi, d’une analyse imparfaite de la nature des rapports entre les particuliers et les agents immobiliers. Il s’agit de la disposition par laquelle un propriétaire peut vendre un bien par ses propres moyens alors même qu’il aurait signé un mandat d’exclusivité avec un agent immobilier et éviter ainsi de verser sa commission à l’agent s’il trouvait un acquéreur en direct.

Une disposition contraire à l’intérêt des particuliers ?

La cote de désamour des agents immobiliers est notoire. Ils sont considérés par beaucoup comme des parasites qui n’apportent pas de réelle valeur ajoutée et perçoivent des honoraires injustifiés. Sur les quelque 30.000 agences immobilières ou détenteurs de cartes de transaction en France, nul doute qu’un certain nombre font un tort considérable à la profession par manque de professionnalisme ou d’éthique. La proportion de ces « professionnels » est suffisamment importante pour que rejaillisse sur l’ensemble des agents immobiliers un sentiment général de défiance. La question n’est-elle donc pas avant tout de faire le ménage ? Avec quelle facilité obtient-on le droit de devenir agent immobilier et combien de cartes professionnelles sont-elles accordées chaque année pour combien de professionnels déchus de leurs droits ? Un défaut évident de gouvernance a laissé se développer des pratiques probablement minoritaires mais injustifiables, creusant le fossé entre particuliers et agents immobiliers. Le texte de loi vise à remédier à cette lacune. Je ne me prononcerai pas sur la solution proposée, sujet qu’il faudrait aborder séparément, mais je rejoins le point de vue défendu par Henry Buzy-Cazaux (président de l’Institut du Management des Services Immobiliers, et ancien délégué général de la FNAIM) d’un ordre professionnel, à l’image de celui des notaires, avocats, ou experts-comptables.

L’écart entre la France et les pays anglo-saxons

Pour autant est-il justifié que le législateur sacrifie le mandat exclusif sur l’autel d’une réforme par ailleurs nécessaire ? Bizarrement, 9 ventes sur 10 aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne se font par le biais de mandats exclusifs. En France ? Seul un mandat sur dix est un mandat exclusif. Comment expliquer un tel écart ? D’abord par les nombreuses différences dans les structures de ces marchés (notamment le rôle de l’avocat dans le monde anglo-saxon, du notaire en France, le partage des fichiers de mandats aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne). Et les commissions, environ 40% plus faibles chez nos amis anglophones... Mais y aurait-il un lien entre mandats exclusifs et honoraires plus faibles ? Evidemment, et c’est bien là le cœur du problème. La défiance généralisée envers les agents immobiliers amène les particuliers français à distribuer des mandats non exclusifs à plusieurs agences (3 en moyenne) tout en cherchant à vendre leur bien par leurs propres moyens pour éviter de payer une commission. C’est la stratégie du « que le meilleur gagne » ou du « chacun pour soi » qui se transforme en une foire d’empoigne où les intérêts des parties ne sont absolument pas alignés. Le particulier croit avoir recruté trois professionnels qui en réalité vont faire le minimum (publier une annonce sur internet, afficher le bien en vitrine) et attendre passivement qu’un acheteur éventuel se manifeste. Pourquoi agiraient-ils autrement ? Ils sont en concurrence avec d’autres professionnels et avec le propriétaire lui-même qui cherche à les doubler. Leur implication dans la vente est minimale et proportionnelle à la chance de voir leur travail récompensé par une commission (pas plus d’une chance sur 6 en moyenne pour les mandats non exclusifs). Leurs honoraires sont élevés pour qu’une transaction réussie finance le temps perdu sur la majorité des mandats infructueux. S’ils ont l’occasion de présenter un acheteur qui offre un prix inférieur aux attentes du propriétaire, pourquoi défendraient-ils les intérêts -et le prix !- de ce dernier, puisqu’ils peuvent à tout moment voir la vente faite par un autre ? Au final, quand la vente a lieu avec un agent immobilier, le propriétaire a le sentiment que l’agent n’a pas beaucoup travaillé, a défendu les intérêts de l’acheteur et qu’il a perçu une commission injustifiée. Voilà de quoi renforcer le sentiment de défiance envers le rôle et la valeur ajoutée de l’agent immobilier. La prépondérance du mandat non exclusif en France est le symptôme évident d’un marché mal organisé, elle alimente une relation perdant-perdant entre particuliers et agences immobilières.

Le mandat exclusif est-il la panacée ?

Attention à la généralisation ! D’abord une évidence : le mandat exclusif donné à un professionnel incompétent ou inefficace se transforme en piège pour le propriétaire pour une durée que la loi limite à trois mois. Faut-il pour autant rendre cet instrument, pourtant encore ultra minoritaire en France, quasi inopérant pour les agents immobiliers les plus professionnels ? Quand on a affaire à un bon agent immobilier, le mandat exclusif est le meilleur moyen d’obtenir une véritable implication et un conseil objectif de sa part. Le mandat exclusif peut créer les conditions d’une relation gagnant-gagnant, où les intérêts du propriétaire et de l’agent immobilier sont alignés. Le professionnel peut et doit s’investir pleinement car il a toutes les chances de réaliser la vente et d’être rémunéré (70% de chances pour les mandats exclusifs). Il n’est pas en concurrence avec son client. Le nouveau texte pourrait casser ce rapport de confiance en permettant au particulier de vendre par lui même sans payer l’agence à qui il a confié un mandat exclusif. Pourquoi priver les agents immobiliers compétents -il y en a !- et les clients qui le souhaitent, d’un instrument dont l’efficacité (pourcentage de ventes réussies, délai de vente, prix obtenu) dépasse de très loin les autres méthodes (mandats non exclusifs, vente entre particuliers) ? Pour ceux qui le souhaitent, les mandats semi-exclusifs existent déjà et permettent de combiner l’exclusivité donnée à une agence à la possibilité de vendre par soi-même. Pourquoi abolir le mandat exclusif -qui a parfois mauvaise réputation parce que certains professionnels n’en sont pas dignes- et qui pourtant suscite la meilleure satisfaction auprès des propriétaires vendeurs ? Des réformes sont nécessaires, elles doivent permettre à la profession de faire le tri parmi les siens et aux agents les plus compétents de sortir du lot. Le mandat exclusif fait partie de la solution, pas du problème. S’il est utilisé dans 90% des transactions dans des marchés voisins où la défense du consommateur est fortement développée, ce n’est pas par hasard. Sébastien de Lafond, Président et cofondateur de MeilleursAgents.com
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