L'urbex, la tendance qui fait fureur chez les amoureux du patrimoine

Emmanuelle Lopez
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Une usine désaffectée, une prison abandonnée, des égouts, un hôpital oublié, voilà quelques-uns des terrains de jeux des mordus d’urbex. Contraction d’ « urban exploration », comprenez exploration urbaine. L’activité consiste à se faufiler, ni vu, ni connu, sur des sites délaissés. Aujourd’hui, elle fait des émules, si bien qu’elle pourrait finir par mettre en péril ces vestiges du passé. 

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Zoom sur la tendance urbex
Les lieux chargés d'histoire se prêtent à merveille à l'exploration urbaine.
Sommaire

L'urbex en France

S’il est aujourd’hui très tendance, l'urbex a déjà quelques années au compteur. C’est dans les années 80 que la pratique apparaît en France, notamment en région parisienne. Là, se trouvent beaucoup de bâtiments, d'hôpitaux, de chantiers abandonnés. Des lieux qui suscitent l’intérêt d’amateurs d’histoire, de photos ou de curieux à la recherche d’adrénaline... Reconnaissons-le, la transgression donne des frissons. Elle participe également à la recherche de liberté. 

Dans les années 2000, le graphiste et artiste canadien Jeff Chapman (1973-2005), connu dans le monde de l’édition sous le pseudonyme de Ninjalicious, met ses périples clandestins en lumière. Aussi grâce à Internet qui se développe, au même moment. Puis, des pages et sites dédiés à l’activité se multiplient. Enfin, c’est au tour des réseaux sociaux. Ils deviennent les supports d'innombrables photos des lieux explorés.

Les prises de vue de Nicolas Bertellotti, 69,4 K followers sur Instagram, ont fait de lui une référence en la matière, tout comme Romain Veillon - 53,5 K followers -, Jonk - 25,8 K followers -, toujours sur Instagram, pour ne citer qu’eux. Et Google Street View facilite le repérage des lieux.

L'urbex : illicite mais respectueux

Voilà toute l'ambiguïté de cette pratique, entre une divulgation des photographies et la volonté de tenir secrète l’adresse de ces lieux visités, au nom de leur préservation. Autre ambivalence : l’activité marginale repose sur la notion de transgression mais aussi celle du respect. Elle s’appuie sur un code précis : ne rien casser, ne rien détériorer ou prendre

L’urbex se pratique de différentes façons

L’urbex se déploie dans une multitude de lieux ! Et porte un nom spécifique pour certaines catégories. On parle de cataphilie lorsqu’elle concerne les expéditions souterraines délictueuses, comme les catacombes de Paris. De toiturophilie, lorsqu’elle se pratique au sommet d’immeubles, de cathédrales ou d’églises. Ceux qui n’ont pas le vertige profitent d’une vue à couper le souffle et d'un calme assourdissant. L’exploration rurale consiste à visiter des usines, des cimetières ou d’anciennes voies ferrées. Avec l’infiltration, les règles du jeu changent. Il s’agit de pénétrer des lieux publics comme des musées, des monuments, en dehors des heures d’ouverture. Les "urbexeurs" n’ont pas de limites. Ils pénètrent des friches industrielles, des ouvrages ferroviaires, militaires…

Une activité à risques

Explorer de façon clandestine des lieux oubliés, méconnus, comporte plusieurs risques. Pour commencer, il y a les risques juridiques. S’introduire dans un lieu privé, sans y être invité, est complètement illégal. Mais, en France, peu de lois interdisent vraiment la pratique. Seuls quelques décrets ou règlements internes le font. Pour exemple, le groupe Untergunther a restauré, durant un an, l'horloge du Panthéon, sans se faire remarquer et sans autorisation. Le Centre des Monuments Nationaux (CMN) a déposé plainte. Le groupe continue à oeuvrer pour le patrimoine.

Il existe également des risques physiques. Personne n'est à l'abri d'une chute, d'un éboulement, d'une inondation, d'inhaler des gaz...

Kit de précaution

Pour éviter ces dangers, ils est recommandé d'avoir sur soi : son téléphone ; une trousse de secours ; une lampe de poche ; de visiter un lieu accompagné ; de toujours rester sur ses gardes.

Plus qu’un lieu à visiter, une histoire à découvrir

Sur le site Géo, Timothy Hannem, auteur de plusieurs ouvrages sur le thème, aborde le sujet d’une découverte qu’il appelle l’Orphelinat sans avenir. Il explique qu'après avoir consigné son excursion et publié ses photos sur son site internet, d’anciens pensionnaires de l’établissement le contactent. Ils effectueront ensemble une visite guidée du lieu, révélant une toute autre histoire.  "J'ai réalisé l’importance de faire des comptes-rendus complets et respectueux pour quelque part faire perdurer la mémoire de ces lieux qui n’existent parfois nulle part ailleurs et sont voués à disparaître".

L’urbex permet une nouvelle approche de l’Histoire. En 2019, l’historien Nicolas Offenstadt publie un ouvrage intitulé Urbex RDA : l’Allemagne de l’Est racontée par ses lieux abandonnés. 

Les spots incontournables de l’urbex

L’urbex a dévoilé de nombreux sites en France et dans le monde. Dans une interview donnée au CNRS - Centre National des Recherches Scientifiques. Nicolas Offenstadt reconnait : "Oui, il existe une hiérarchie et des lieux particulièrement emblématiques. Jusqu’à la guerre en Ukraine, la zone abandonnée de la centrale nucléaire de Tchernobyl était un "must". On trouve aussi l’ancien siège du parti communiste bulgare à Bouzloudja, véritable ovni posé sur un sommet rocheux, ou encore l’ancien sanatorium (et hôpital) de Beelitz en Allemagne. Aux États-Unis, les usines abandonnées de la ville de Détroit, ex fleuron de l’industrie automobile, comme l’usine Packard, sont devenues des icônes… Tous ces endroits font l’objet de milliers de vidéos et de photos, partagées sur des centaines de sites spécialisés." 

Mise en péril du patrimoine

La pratique fascine au-delà de l’intérêt historique. Et les réseaux ont permis un véritable engouement pour elle. Mais les dérives sont là. Romain Veillon, dans une interview pour Version Femina le déplore : "Sur YouTube et TikTok, l'urbex est tellement à la mode que c'est devenu le nouveau jeu auprès de certains qui veulent tout visiter le plus vite possible. Résultat, en quelques semaines, on retrouve des sites complètement tagués ou pillés".

Dans la rubrique faits-divers du site l'écho Républicains, on apprend qu’une maison de Coulombs - centre-Val de Loire -, fait régulièrement l'objet d'intrusions et de descentes de gendarmerie. Pourquoi ? Un "crime sordide" s'y est déroulé en 2020. Selon le journaliste, les scènes de ce genre sont très recherchées par certains urbexeurs.

Pire, sous couvert de s'adonner à cette activité, quelques-uns pénètrent par effraction des résidences secondaires. A Douriez - Pas-de-Calais -, des urbexeurs se sont introduits dans une maison de maître. Les malfrats ont dérobé des objets. Lit-on sur le site l’Abeille. Puis, on apprend que la demeure était habitée. Cette fois, les auteurs des faits sont attendus au tribunal.

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