La mer monte, le droit de propriété temporaire apparaît ?

Christelle Privat
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Tempête Kirk, ouragan Milton, typhon Yagi : les catastrophes météorologiques, de plus en plus nombreuses, ont un effet très concret sur l'élévation du niveau de la mer. Le 120e congrès des notaires de France a donc travaillé d’arrache-pied pendant deux ans sur ces questions, pour notamment anticiper l'expropriation de propriétaires due au recul du trait de côte.

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Littoral ville de Bonifacio en Corse
Le congrès des notaires propose « aux propriétaires de vivre dans le logement jusqu'à ce que la mer monte et d'être indemnisés concernant le terrain ». © Getty Images
Sommaire

L’élévation du niveau de la mer : une mécanique inéluctable

L’élévation du niveau de la mer est une mécanique bien enclenchée, malgré les efforts pour tenter de réduire ici et là les émissions de carbone. Selon un rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) datant de 2020, la hausse du niveau de la mer pourrait atteindre 1 mètre à l’échelle mondiale, d’ici à 2100. Des métropoles comme Bordeaux, Rio, New York, Accra, Jakarta seraient alors immédiatement menacées, avec de très nombreux foyers concernés par les inondations chroniques et l’érosion côtière. « En France, près d’1,4 million de personnes pourrait vivre sous la ligne de marée haute, à l’horizon 2050 », précise le rapport.

Plusieurs facteurs expliquent la montée des eaux, tous induits par le changement climatique :

  • le phénomène de dilatation thermique : tout liquide occupe une place plus importante sous l’effet de la chaleur. Les eaux gagnent donc en volume avec le réchauffement des océans. C’est l’une des causes les plus importantes de l’élévation du niveau de la mer ;
  • l’accélération de la fonte des glaces : les températures toujours plus élevées en été mais aussi en hiver accélèrent le processus naturel de fonte des glaciers ;
  • la disparition des calottes glaciaires : l’effacement des calottes (Groenland, Antarctique, etc.) inquiète de plus en plus les scientifiques.

Le saviez-vous ?

Dans les départements et territoires d’Outre-mer, entourés par les océans, le phénomène est encore plus préoccupant. « On peut citer la Martinique qui risque de perdre 5 % de son territoire d’ici 2100, 2 % pour la Nouvelle-Calédonie ou encore un tiers des îles de la Polynésie française », peut-on lire sur Outre-mer la 1ère. Quant aux villes de Pointe-à-Pitre et de Jarry en Guadeloupe, elles pourraient être submergées 180 jours par an en 2100, dans les scénarios les plus pessimistes !

Aujourd’hui, les propriétaires victimes ne sont pas indemnisés

Les villes côtières sont les plus exposées aux risques inhérents à la montée des eaux (submersion, érosion, etc.). Cette proximité maritime, qui a fait leur succès jadis, devient peu à peu leur talon d’Achille. Pourtant, aujourd’hui, les Français sont dans le déni. Les villes du littoral n’ont jamais été autant convoitées et les prix immobiliers s’envolent en dépit d’une réalité moins réjouissante. « En 5 ans, les logements littoraux ont vu leurs prix augmenter de 35,1 % en moyenne, contre 25,4 % sur le reste du territoire », assurent les notaires.

Et si votre logement se retrouvait submergé ? Complètement détruit ? Seriez-vous indemnisé ? À cette heure, le problème reste entier. Les pouvoirs publics semblent ne pas encore prendre la mesure de ce qui nous attend. Si le « fond Barnier », créé en 1995, indemnise les propriétaires victimes d’un aléa non-prévisible, rien n’est prévu pour ceux victimes de catastrophe prévisible. C’est la perte sèche presque assurée, malgré cette croyance collective qui consiste à penser « que quelqu'un, à la fin, indemnisera le propriétaire du bien. C'est faux », constatent les notaires.

Il faut savoir que « tout terrain gagné par la mer devient ipso facto, sans indemnisation, propriété de l'État ». Ces sinistres, qui se répètent, vont finir par peser sur la valeur des biens immobiliers. Que fait-on pour anticiper ces questions patrimoniales ?

Le saviez-vous ?

« D’ici à 2100, 20 % des côtes françaises pourraient être concernées par le phénomène du recul du trait de côte », ce phénomène naturel qui désigne le déplacement de la ligne de rivage vers l’intérieur des terres. 450 000 logements seraient concernés.

Quelles solutions ? Les notaires de France font des propositions…

Lors du 120e congrès des notaires de France, qui a eu lieu à Bordeaux les 25, 26 et 27 septembre 2024, des solutions ont été proposées : 12 solutions « guidées par un esprit réaliste, engagé et pragmatique », pour répondre aux divers enjeux en faveur d’un urbanisme durable, d’un « urbanisme de transformation ».

Pour répondre aux problèmes causés par la montée des eaux, le rapport des notaires se veut pragmatique. Le challenge : informer le propriétaire sur le devenir de son bien immobilier car l’érosion des côtes et la submersion marine vont s’accentuer. La loi Climat et résilience prévoit des solutions pour la construction neuve mais pour le bâti, il y a un vide juridique.

On le sait aujourd’hui, l’achat d’une maison située en première ligne peut être menacée par les risques précités. Face à ces risques, le rapport fait état d’un droit de propriété temporaire pour le propriétaire (droit de superficie), puisqu’à un moment donné, il faudra de toute façon, quitter le logement. La commune serait, elle, propriétaire du sol et sous-sol : « La commune qui préempte le bien ne devra débourser que le montant du sol et du tréfonds et non acheter l'ensemble du bien. ».

« Il s'agit d'un véritable droit de propriété temporaire, précise Me Éric Meiller, président de la commission notariale qui a traité ce sujet. Le propriétaire pourra le vendre à son tour, l'hypothéquer, louer le bien concerné, le transmettre à ses héritiers… ». Pour Me Éric Meiller, l’achat du droit temporaire permettrait une anticipation du problème : « Nous donnons la possibilité aux propriétaires de vivre dans le logement jusqu'à ce que la mer monte et d'être indemnisés concernant le terrain»

C’est une première ébauche de ce qui pourrait être proposé, précisent les notaires, en rappelant le caractère impératif de prendre des mesures, face à l’urgence climatique.

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