Depuis le confinement, vous étiez dans l’incapacité de faire aboutir les signatures d’acte de vente à vos vendeurs et acheteurs. Et ce gel des actes notariés était globalement colossal pour l’ensemble des agences immobilières : plus de 400 millions d’euros d’honoraires étaient bloqués (source : Fnaim). Le gouvernement a dû agir rapidement en publiant un décret (le 4 avril 2020) pour autoriser les notaires à signer à distance. Le décret va-t-il relancer le marché immobilier ?
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Sommaire
Depuis le confinement, vous étiez dans l’incapacité de faire aboutir les signatures d’acte de vente à vos vendeurs et acheteurs. Et ce gel des actes notariés était globalement colossal pour l’ensemble des agences immobilières : plus de 400 millions d’euros d’honoraires étaient bloqués (source : Fnaim). Alors pour relancer le marché immobilier, le gouvernement a dû agir rapidement en publiant un décret (le 4 avril 2020) pour autoriser les notaires à signer à distance. Enfin une bonne nouvelle, pour finaliser les ventes immobilières, mais une question se pose : pourquoi les notaires avaient-ils besoin de ce décret alors que certains utilisent déjà la signature électronique depuis 18 mois ? Le décret va-t-il relancer le marché immobilier ? Explications.
1 Les notaires bousculés par le confinement
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Depuis mi-mars 2020, il est estimé à 100 000 le nombre projets de vente en cours, selon la Fnaim. Et de nombreuses agences immobilières avaient constaté que les offices notariaux étaient fermés. Certes cela était tout à fait normal vu les demandes gouvernementales. Mais le seul hic est qu’une partie de la profession ne répondait pas aux appels téléphoniques, et ce, pour de multiples raisons : les transferts d’appel n’étaient pas installés et le redéploiement des équipes en télétravail n’était pas simple pour respecter les règles strictes de confidentialité et de sécurité de leurs dossiers…
Comme de nombreuses professions, les notaires n’avaient pas pris les devants pour travailler à distance et enchaînaient aussi les difficultés : “Ce qui prend habituellement 2 heures, prend 2 jours avec le confinement” déclare Vincent Chauveau notaire à Nantes (Source Le Figaro-9 avril 2020).
Le saviez-vous ?
Depuis le début du confinement, près de 90% des actes planifiés ont fait l’objet d’un report soit 100 000 transactions qui représenteraient 10% du million de ventes réalisées dans l’ancien en 2019. (Source : La Fnaim)
Mais au-delà du contexte du confinement, toute la profession était bloquée par la loi.
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Maître Arnaud Bayart, Office "Michelez Notaires" Paris
Lors du confinement, on était arrivé à un blocage car un notaire ne peut à la fois signer un acte et représenter les clients. En pratique, le client ne pouvant se déplacer, il doit être représenté par un membre de son entourage et à défaut par un collaborateur de l'office.
Et les notaires ont vu également une baisse d’activité qui ne pouvait plus durer...”Pour préserver l'emploi et adapter l'activité aux besoins (peu de nouveaux dossiers), les offices bénéficient, comme toute entreprise, des mesures de soutien de l’état pour sauver les emplois. Les offices se sont organisés de façon très diverses : certains ont mis une partie de l’équipe en chômage partiel et d’autres tous leurs collaborateurs ; dans d’autres, seuls les associés gèrent les dossiers en cours.” affirme Maître Arnaud Bayart, Office "Michelez Notaires" Paris.
Entre-temps, les offices notariaux se sont organisés pour respecter leurs engagements. D’après le Conseil Supérieur du Notariat, le nombre de postes équipés pour le télétravail a décuplé en 10 jours soit 30 000 postes dans tout le notariat (environ 70% des postes de travail éligibles). Malgré les efforts des offices, de nombreux agents immobiliers ont dû retrousser leurs manches et redoubler d’ingéniosité pour trouver un notaire pendant le confinement.
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Amaury du Port de Loriol de l’agence Cesar et Brutus.
Comme nous n’avions aucune nouvelle d’un notaire pour signer une vente immobilière, nous avons trouvé son numéro personnel pour le contacter. Il était furieux que nous l’ayons dérangé mais après quelques minutes d’explication, il s’est donné les moyens pour que la vente soit signée. Ce fut un vrai soulagement pour nos acheteurs et vendeurs.
Pour exprimer la colère des agents immobiliers, Jean-Marc Torrollion a pris la parole sur les réseaux sociaux et a adressé un courrier salé à Julien Denormandie, Ministre chargé du Logement. Extrait : “Ce refus des notaires d’assumer le monopole qui leur a été confié aura des conséquences, bien sûr pour nos clients, mais aussi pour l’activité de certaines de nos agences. Ce sont généralement nos plus petites entreprises et donc les plus fragiles». (Source Le Figaro-20 mars 2020). Pour éviter d’amplifier cette montée en pression entre la FNAIM et le Conseil supérieur du notariat, le gouvernement a dû revoir sa copie pour accélérer la numérisation des actes notariés. Puis, il était déterminant de prolonger les compromis de vente pour rassurer les particuliers et les agents immobiliers.
2 Que change ce nouveau décret ?
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Avant ce décret, il était nécessaire que les parties soient présentes ou représentées à l'acte afin de notamment pouvoir exprimer leur consentement. Or, pendant le confinement, personne ne pouvait se déplacer même pour représenter le client.
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Julien Denormandie, Ministre chargé de la Ville et du Logement
La semaine dernière (semaine du 30 mars 2020), on a observé une baisse de 60% des actes notariés. C’est pourquoi nous avons décidé avec la garde des Sceaux de prendre des mesures fortes comme la possibilité de signer des actes à distance par visioconférence ou de manière complètement dématérialisée.
Le gouvernement a assoupli la loi pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire (à savoir le 25 juin 2020 + un mois) en acceptant la signature électronique à distance. Pourtant, depuis 18 mois, la signature des actes authentiques de manière électronique était déjà largement déployée dans les offices. Simplement le confinement des clients et collaborateurs empêchait leur signature. Mais concrètement, quoi de neuf avec ce nouveau décret ?
“La nouveauté pour les notaires concerne l'utilisation d'une société tierce afin de signer de manière électronique comme :
- les actes qui ne sont pas authentiques (exemple promesse de vente sous seing privé)
- l'attestation de confirmation du consentement des clients qui doit être jointe à l'acte authentique que le notaire reçoit seul (version décret du 3 avril) "déclare Maître Arnaud Bayart, Office "Michelez Notaires" Paris.
Avec ce nouveau décret, le notaire peut (selon les conditions ci-dessous) signer un acte authentique électronique alors que les parties ne sont pas physiquement présentes à l’acte ou représentées. L’intégrité et la confidentialité du contenu des actes sont garanties avec un système de communication à distance qui est sécurisé.
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Le décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 ; JORF n° 0082 du 4 avril 2020.
Le décret évoqué a pour objet d'adapter le régime d'établissement des actes notariés sur support électronique afin de tenir compte de l'état d'urgence sanitaire et de l'impossibilité pour les parties de se rendre physiquement chez un notaire. Il détermine les conditions et les modalités d'établissement à distance de l'acte notarié sur support électronique, à savoir :
- L'échange des informations nécessaires à l'établissement de l'acte et le recueil du consentement s'effectuent au moyen d'un système de communication et de transmission de l'information garantissant l'identification des parties, l'intégrité et la confidentialité du contenu. Ce système de communication doit être agréé par le Conseil supérieur du notariat.
- Le notaire recueille la signature électronique de chaque partie ou personne concourant à l'acte au moyen d'un procédé de signature électronique qualifié.
- L'acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique sécurisée.
3 La signature à distance entre notaires et ses clients : comment ça marche ?
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Pendant le rendez-vous de signature (avec comparution à distance), toutes les parties sont connectées via les webcams de leurs ordinateurs. C'est une comparution par écrans interposés :
- Le Notaire lance la visioconférence pour toutes les parties
- Les clients se connectent sur le logiciel de visioconférence (à télécharger avant le RDV), suivent le rendez-vous et posent leurs questions,
- Une fois que l’acte est finalisé, le notaire envoie via outil informatique légalisé (tel que Docusign) une attestation de confirmation du consentement aux clients. Les clients signent cette attestation sur la plateforme.
- L’attestation de confirmation du consentement des clients revient chez le notaire via Docusign,
- Le notaire intègre cette attestation dans les annexes de l’acte,
- À la fin, le notaire signe l’acte et les annexes.
Le saviez-vous ?
La solution informatique Docusign est la seule habilitée actuellement. L’inconvénient de la mise en place de cet outil : pas assez de prestataires informatiques agréés pour installer le logiciel dans les offices. Puis quelques difficultés techniques bloquent le passage en masse à la signature des actes à distance.
Si vos clients n’ont pas accès à un outil informatique ou à internet, il est toujours possible de faire une procuration par courrier. Dans ce cas précis, on fait appel à un mandataire qui représente le client lors de la visioconférence et signe à sa place. Mais pendant le confinement les services postaux ne fonctionnent pas toujours très bien et cela peut ralentir la vente. De plus, le notaire doit être présent pour recueillir la procuration. Il semble que cette solution soit difficile lors du confinement...
2 scénarii possibles
1er cas de figure :
- le notaire connaît déjà le client (il l’a déjà vu en face-à-face ces 10 dernières années et est en possession de sa carte d’identité). La procédure est simplifiée car le notaire n’a pas besoin de prouver l’identité du client.
- Si le notaire ne connaît pas l’identité de son client, il va utiliser un outil informatique légalisé (Docusign) qui vérifie son identité. Le client doit faire la procédure avec Docusign préalablement au rendez-vous ce qui peut prendre un peu de temps.
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Cette solution digitale va fluidifier le marché immobilier grâce à la numérisation des actes authentiques. Mais une question cruciale se pose : les notaires sont-ils tous équipés pour signer les actes notariés à distance ?
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Maître Arnaud Bayart, Office "Michelez Notaires" Paris
Un notaire non équipé peut utiliser l'installation d'un Confrère, même à distance. Ce n’est pas le décret qui a mis ça en place, c’est un aspect technique qui existe déjà. Un notaire peut utiliser à distance le système de visio d’un confrère via Lifesize (logiciel de visioconférence reconnu par le Conseil notarial). Un appel a été lancé par le Président du Conseil Supérieur du notariat pour inciter à partager les équipements entre confrères et inciter la solidarité entre offices.
Le saviez-vous ?
En France, 40% des offices nationaux sont équipés de visioconférence. Et il faut compter 60% pour les départements 75, 93 et 94. (Source : Conseil National de Notariat)
Côté matériel, votre notaire doit être équipé d’un système de signature électronique. (Le décret du 3 avril ne peut fonctionner qu’avec les actes authentiques électroniques et non papier.) Puis, il doit avoir un système de visioconférence* qui permet au client d’assister et de poser des questions pendant le rendez-vous de la signature de l'acte notarié (même si c’est le notaire qui signe). Et le notaire doit utiliser les services d’une société tierce afin de confirmer l'identité des clients, le cas échéant et qu'ils puissent apposer leur signature sur le document qui devra être annexé à l'acte (signature dite qualifiée).
Le saviez-vous ?
La seule entreprise qui soit agréée par le Conseil supérieur du notariat pour le système de visioconférence est LifeSize.
Ainsi, ce nouveau décret va permettre de rattraper le retard en partie lié aux 3 semaines de confinement. Mais les problèmes ne seront pas tous résolus. Les notaires sont dépendants de nombreux intervenants comme les mairies (ex : droits de préemption des villes, instruction des autorisations d’urbanisme), diagnostiqueurs, services de publicité foncière, entrepreneurs de travaux (dans le cas où les travaux seraient inclus dans les conditions de la vente…). Puis pour les déménagements et les remises des clés, il va falloir faire preuve d’imagination pour aider vos clients. Pour finir avec une touche positive, le confinement va parachever la dématérialisation des actes notariés et va permettre à vos clients de vendre un bien immobilier sans se déplacer ! Une belle évolution digitale pour nos amis les notaires, non ?
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