Pour vous parler d'habitat partagé, nous avons rencontré Thierry, Sophie et Émile qui témoignent tous de leur expérience collective réussie.
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Depuis quelques années déjà, l’habitat partagé, porté par des groupes de citoyens, des promoteurs ou encore des collectivités territoriales, gagne du terrain en France. Rencontre avec ceux qui en ont fait leur quotidien.
À l’heure où l’Hexagone compte environ 16,7 millions de retraités, l’habitat partagé, aussi appelé habitat participatif ou groupé, est un mode de vie solidaire de plus en plus apprécié par les seniors désireux de rompre l’isolement et conserver un lien social.
Concrètement, qu’est-ce que l’habitat participatif ?
Comme l’explique le guide publié par l’association Habitat Participatif France créée en 2013 et Regain PACA, une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) créée en 2009, l’habitat partagé ce sont tout simplement “des particuliers qui se regroupent afin de concevoir, réaliser et gérer ensemble leurs logements et des espaces de vie partagés, conçus pour répondre aux besoins d’écologie et de lien social, ainsi qu’aux possibilités de financement de chacun.” Le ministère de la Transition écologique le confirme : ce mode de vie, encadré depuis 2014 par la loi Alur, permet ainsi “à des groupes de personnes de construire leur logement et de partager un mode de vie écologique et communautaire, à moindre coût.”Une loi favorable à l’habitat participatif
Depuis 2014, la loi ALUR permet la mise en place de :
- sociétés d’autopromotion dont le but est de construire ou acheter un bien immobilier selon des aspirations communes (environnementales, sociales, économiques) pour le partager entre différents propriétaires ;
- coopératives d’habitants dont l’objectif est de gérer collectivement l’immeuble ou le terrain occupé conjointement et d’accorder la jouissance des logements et des espaces communs, de la construction, l’acquisition, la rénovation, la gestion et de l’entretien.
Un choix de vie en communauté plébiscité par les séniors
Si les projets d’habitat participatif sont ouverts à tous les âges et profils, le concept est largement plébiscité par les personnes âgées qui, dans leur grande majorité, souhaitent vieillir chez elles. “Le nombre de personnes atteignant ou ayant dépassé l’âge de la retraite qui souhaitent intégrer un habitat participatif représente entre 60% et 70% des candidats, soit bien davantage que le poids de cette catégorie d’âge dans la population totale”, précise en effet Habitat Participatif France. Un constat de terrain qui se retranscrit largement dans les dynamiques démographiques en cours en France : en 2018, les plus de 65 ans représentaient 19,8% de la population : leur part se situera à hauteur de 25% en 2050, date à laquelle 4,8 millions de personnes auront plus de 85 ans, soit trois fois plus qu’en 2017. C’est d’ailleurs en discutant avec sa mère âgée de 90 ans que Thierry, créateur d’un habitat partagé qui ouvrira ses portes mi-mars à Moncrabeau dans le Lot-et-Garonne, a eu l’idée d’acheter, avec un ami, un ancien petit hôtel dans le but de le transformer en un habitat participatif. “Notre projet n’est pas obligatoirement dédié aux personnes âgées mais étant en milieu rural, on sait déjà qu’on aura surtout des seniors. En tout, nous disposerons de cinq chambres à l’étage : trois simples et deux doubles. Chacune sera dotée de sa propre salle de bain avec douche à l’italienne, mais également d’une prise TV et d’internet. Au rez-de-chaussée, les locataires auront le loisir de profiter des parties communes constituées d’un grand salon, d’une salle à manger, d’une cuisine et de sanitaires”, explique le créateur, lui-même retraité. “Ce qu’on veut, c’est de la convivialité et du partage, que les locataires puissent même, s’ils en ont envie, inviter leurs familles pour des repas dans la grande salle à manger, et qu’ils partagent de bons moments tous ensemble”, continue Thierry.“Une vie sociale que je n’avais pas avant”
Si l’habitat partagé est une véritable alternative à l’entrée en EHPAD, il présente de nombreux avantages, dont le fameux “lien social.” Un point essentiel sur lequel ne manque pas d’argumenter Sophie, 63 ans, qui a intégré un projet d’habitat participatif à Lille il y a plusieurs années. “Notre groupe s’est constitué à l’automne 2011 suite à l’appel à projet de la ville de Lille qui proposait des terrains. Personne du groupe ne se connaissait, ça s’est fait naturellement. Au départ, je ne savais pas du tout ce qu’était l’habitat participatif, je voulais acquérir une maison écolo et je me suis retrouvée dans le projet par hasard, ça m’a bien plu”, explique-t-elle. “À l’époque, je vivais seule dans une grande maison, mes enfants étaient partis. Aujourd’hui, je suis indépendante dans mon propre logement avec, en supplément, une vie sociale que je n’avais pas avant”, confie la sexagénaire, soulagée d’avoir pu vivre les confinements de 2020 au sein de son habitat partagé. “Heureusement que j’étais ici, je crois que j’aurais fait une grosse dépression si j’avais été toute seule dans ma maison. On faisait du yoga dans le jardin, on mangeait sur nos coursives, tous éloignés les uns des autres bien sûr, mais on était ensemble. Une énorme solidarité s’est mise en place, les jeunes faisaient les courses pour les plus âgés”, explique-t-elle à propos de ce projet intergénérationnel qui compte onze logements habités par des membres allant âgés... de 7 mois à 65 ans ! “Les appartements vont du studio au F4. Chacun est chez soi, mais on a des espaces partagés comme une chambre d’amis, une buanderie, un salon et surtout, notre jardin. On mange ensemble dehors quand il fait beau, on discute dans la buanderie ou encore dans le salon partagé, on fait des balades à vélo, on part même en vacances ensemble. C’est une vraie vie en communauté !”, énumère Sophie, n’hésitant pas à conseiller ceux qui aimeraient rejoindre ce genre de projet. “Les décisions, on les prend tous ensemble, c’est parfois un peu long car on n’a pas toujours les mêmes aspirations. Il ne faut donc pas être trop psychorigide. Par exemple, dans les espaces collectifs, on n’a pas tous la même façon de nettoyer ou de ranger. Mais tout cela reste anecdotique, ce que je retiens surtout c’est qu’on peut compter les uns sur les autres. Le lien social est fort, ce sont des nouveaux amis”, conclut-elle.“Un lieu pour vieillir d’une qualité inouïe”
Même son de cloche chez Émile, 82 ans, habitant des Colibres à Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) où vivent ensemble une trentaine de membres depuis 2013, dans un habitat qu’ils ont dessiné et construit à leur image. “Le temps consacré à cette qualité relationnelle trouve souvent sa place à l’occasion des moments de convivialité ou de loisirs : balades, jeux, repas partagés, activités extérieures entre des volontaires (théâtre, cinéma…), discussions à bâtons rompus…”, explique le retraité. “Nos temps collectifs, nos réunions “côté coeur” qui ont lieu chaque premier jeudi du mois, donnent la possibilité à chacun de s’exprimer. Cette pratique est précieuse : c’est elle qui nous permet de nous sentir vraiment liés et d’échapper au sentiment de solitude qui peut toucher, un peu plus que les autres, les plus âgés”, confie Émile. “Pour conserver dans la durée un relationnel agréable avec tous mes voisins, ces temps d’écoute et d’expression collectives me sont très utiles. C’est dans ces moments d’échange que les prémices d’un conflit, ou la pression d’un conflit avéré et jusque-là étouffé, peut émerger. Au final, cette traversée de l’habitat participatif avec tous ces moments de tension et de régulation humaine, notamment grâce à nos réunions, est d’un intérêt et d’une richesse particulière et introuvable ailleurs. J’y ai découvert un lieu pour vieillir d’une qualité de vie inouïe”, conclut l’octogénaire. Vivre dans un habitat partagé présente de nombreux avantages pour les retraités. Premièrement, et non des moindres, celui de se sentir chez soi, comme à la maison. Les personnes âgées sont libres de faire ce qu’elles veulent : passer du bon temps dans les espaces partagés ou rester seules dans leur logement privatif. Si l’habitat partagé permet également de stabiliser la perte d’autonomie grâce au lien social mis en place avec les autres habitants, les économies réalisées au sein de la structure ne sont pas négligeables : une maison de retraite médicalisée coûte très cher. Dans un habitat partagé, tous les frais liés au domicile sont mutualisés. Résultat : les seniors dépensent moins d’argent tout en bénéficiant d’un environnement convivial et extrêmement chaleureux.Comment créer un habitat partagé ?
Monter un projet d’habitat participatif prend beaucoup de temps et d’énergie. “Il existe des projets initiés par les habitants : cela peut être des futurs voisins qui se connaissent déjà et partagent des liens amicaux anciens ou familiaux ; le collectif grandit en suivant donc une logique de cooptation amicale, explique Habitat Participatif France. Mais il y a également des projets initiés par des acteurs institutionnels ou des structures d’accompagnement”, continue l’association.
Comment trouver l’endroit où créer un habitat partagé ? Comment dénicher de bons compagnons pour rejoindre l’aventure ? Pour vous aider, Habitat Participatif France a créé une page dédiée aux groupes cherchant des habitants ainsi qu’une cartographie des structures déjà installées sur le territoire.
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